Une perspective stratégique
La Banque Centrale Européenne passe de la théorie à l’exécution concernant l’euro numérique, une monnaie numérique de banque centrale conçue comme un moyen de paiement numérique, adossé à l’euro et sans risque, destiné à tous dans la zone euro, non pas
pour remplacer les espèces, mais pour les compléter et renforcer la souveraineté monétaire de l’Europe. Les banques ne seront pas mises à l’écart : elles sont appelées à agir comme intermédiaires, gérer l’onboarding et les portefeuilles, intégrer
l’euro numérique à leurs services et construire de nouvelles offres à valeur ajoutée. Le projet est désormais en phase de préparation (2023–2025), avec un lancement possible dès 2026.
Ce qu’est l’euro numérique et ce qu’il n’est pas
L’euro numérique est envisagé comme une monnaie numérique de banque centrale (MNBC) : une forme numérique de cash émise par la BCE et accessible au public dans la zone euro. Il est destiné à compléter, non à remplacer, les solutions de paiement existantes
et les espèces, tout en se distinguant sur des points clés des formes de monnaie actuelles :
- À la différence de la monnaie scripturale des banques commerciales, l’euro numérique serait sans risque, adossé directement à la BCE.
Comme déjà indiqué, l’objectif n’est pas de remplacer les espèces, mais de fournir une solution de paiement numérique complémentaire pour la zone euro, fiable, accessible et souveraine.
De plus, l’euro numérique n’a pas vocation à bouleverser le rôle des banques commerciales. Il ne sera pas programmable d’une manière qui restreigne la façon dont les utilisateurs peuvent dépenser leur argent. Son but est de renforcer le choix et la résilience
de l’écosystème européen des paiements et non de désintermédier le secteur financier.
Objectifs de la BCE : souveraineté, innovation, résilience
La BCE ne poursuit pas l’euro numérique par goût de la nouveauté, mais en réponse aux mutations structurelles des paiements et de la politique monétaire. Ses objectifs sont clairs : l’euro numérique est un outil pour renforcer l’autonomie stratégique
de l’Europe dans les paiements. Aujourd’hui, il existe une forte dépendance aux schémas de cartes non européens pour les paiements en magasin.
Cette dépendance fait peser un risque sur la souveraineté monétaire, en particulier dans un monde où les paiements numériques sont de plus en plus dominés par des entreprises technologiques mondiales. Comme nous le comprenons tous — cela appelle à
l’action.
L’euro numérique n’est pas seulement une réponse aux vulnérabilités actuelles, mais vise à :
- Renforcer la souveraineté monétaire en réduisant la dépendance à l’égard de réseaux de paiement dominés par l’étranger et en offrant une option publique de paiement numérique sous gouvernance européenne.
- Favoriser l’innovation et la concurrence dans les services financiers numériques en permettant de nouveaux services et modèles économiques grâce à une infrastructure ouverte.
- Assurer la résilience des paiements, notamment en temps de crise ou de perturbation des infrastructures, en offrant une solution de repli.
La BCE considère l’euro numérique comme un actif stratégique dans une économie de plus en plus numérique et géopolitique.
Le rôle des banques : bien plus que des intermédiaires techniques
Les banques ne sont pas mises à l’écart, on attend d’elles qu’elles servent d’intermédiaires dans la distribution de l’euro numérique. Leurs responsabilités potentielles incluent :
- Gérer l’onboarding, la vérification d’identité et la conformité LCB-FT.
- Fournir des wallets et utiliser des interfaces client pour les consommateurs et les commerçants.
- Offrir un support et des conseils aux clients afin d’assurer une expérience utilisateur fluide et de renforcer la confiance dans l’euro numérique.
- Intégrer l’euro numérique aux plateformes et services bancaires existants.
Mais au-delà de l’infrastructure, les banques seront le visage de l’euro numérique pour les utilisateurs finaux et devraient donc saisir cette opportunité pour construire des sources de revenus autour de l’euro numérique. De plus, un positionnement précoce
et stratégique autour de l’euro numérique constitue une excellente opportunité de co-créer l’innovation plutôt que de la poursuivre et de se laisser distancer. Une option que les banques pourraient envisager est de définir des services à valeur ajoutée
: comment intégrer l’euro numérique dans des programmes de fidélité, des services de financement du crédit, des smart contracts ou des écosystèmes d’affaires.
Il ne s’agit pas seulement de permettre les paiements. Il s’agit de sécuriser sa pertinence !
Calendrier et état d’avancement du projet
Alors, où en sommes-nous réellement avec ce projet ? Eh bien, la décision finale sur l’émission est encore en attente, mais la direction est claire : l’euro devient numérique. La BCE a achevé sa phase d’investigation de deux ans en 2023 et est entrée
en phase de préparation en novembre 2023, qui se poursuit jusqu’à fin 2025.
Jalons clés :
- 2023 : fin de la phase d’investigation.
- Nov. 2023 – fin 2025 : phase de préparation menée par la BCE.
- 2024–2025 : élaboration du rulebook de l’euro numérique pour définir les standards d’interopérabilité, de confidentialité et d’expérience utilisateur.
- 2024–2025 : sélection des fournisseurs pour construire l’infrastructure de l’euro numérique et les solutions de portefeuille.
- Des prestataires clés pour l’infrastructure et les solutions de portefeuille ont déjà été choisis, marquant le passage du concept à la mise en œuvre.
- Tests approfondis et engagement des parties prenantes, y compris les banques, les commerçants et les consommateurs.
- Une décision finale sera prise après la conclusion du processus législatif de l’UE, probablement fin 2025 ou début 2026. Le lancement le plus tôt possible serait en 2026.
Le projet n’est plus théorique. Nous sommes désormais fermement dans la phase de conception et de prise de décision.
Pourquoi les banques doivent agir maintenant
L’euro numérique est plus qu’une exigence réglementaire, c’est un point d’inflexion stratégique. Les banques qui attendent risquent d’être réduites au rôle de processeurs techniques dans une chaîne de valeur qu’elles dirigeaient autrefois. Par conséquent,
l’inaction n’est pas une option à ce stade.
Pour agir de manière stratégique, les banques devraient :
- Suivre les évolutions réglementaires et participer aux consultations de la BCE.
- Mener des évaluations internes de préparation à l’intégration avec les systèmes bancaires centraux, les API et les cadres de conformité.
- Identifier les segments de clientèle et les cas d’usage afin de définir leur propre rôle dans l’écosystème.
- Aligner leur stratégie digitale et paiements avec les futurs modèles de MNBC.
- Explorer de nouvelles sources de revenus et des modèles économiques en tant que services à valeur ajoutée liés à l’identité numérique.
Les banques sont idéalement placées pour instaurer la confiance dans l’euro numérique, si elles agissent tôt. Ceux qui se préparent tôt façonneront les règles du jeu. Ceux qui attendent devront simplement s’y conformer.
Dernières réflexions
L’introduction d’un euro numérique n’est pas seulement une évolution technique, c’est une transformation monétaire et stratégique visant à pérenniser le système monétaire européen. Elle offre aux banques la possibilité de réaffirmer leur rôle d’intermédiaires
de confiance, ou de risquer de céder du terrain à de nouveaux acteurs. À mesure que la BCE avance, les banques doivent avancer avec elle, non pas plus tard, mais maintenant. Le moment est venu de rejoindre la conversation, d’échanger avec les régulateurs
et de commencer à construire. L’euro numérique arrive. Serez-vous prêts ?
FAQ
Quel est l’intérêt d’un euro numérique ?
L’euro numérique vise à renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe dans les paiements, à réduire la dépendance aux réseaux de paiement non européens et à assurer la résilience des paiements en temps de crise. Il fournit une option publique de paiement
numérique fiable, accessible et souveraine, sous gouvernance européenne.
L’euro numérique est-il une cryptomonnaie ?
L’euro numérique est une monnaie numérique de banque centrale (MNBC), réglementée et directement adossée à la Banque centrale européenne, juridiquement reconnue comme de l’euro, et non un actif crypto spéculatif.
Comment utiliser l’euro numérique ?
Les particuliers et les commerçants de la zone euro accéderaient à l’euro numérique et l’utiliseraient via les banques, au moyen de portefeuilles et d’interfaces de paiement intégrés aux services bancaires existants. Il est conçu pour fonctionner comme
du cash numérique pour les paiements du quotidien.
L’euro numérique remplace-t-il les espèces ?
Son objectif n’est pas de remplacer les espèces, mais de compléter les espèces physiques et les solutions de paiement existantes en offrant une alternative publique numérique pour la zone euro.
Qui contrôle l’euro numérique ?
L’euro numérique serait émis et adossé par la Banque centrale européenne, les banques commerciales agissant comme intermédiaires pour l’onboarding, les portefeuilles et l’assistance client.
Peut-on investir dans des euros numériques ?
L’euro numérique est une monnaie de banque centrale réglementée et non spéculative. Il est destiné à être utilisé comme de la monnaie, et non comme un produit d’investissement.
L’euro numérique est-il sûr ?
Il est décrit comme sans risque car directement adossé à la BCE, et il est conçu pour être stable, réglementé et digne de confiance pour les citoyens et les commerçants dans toute la zone euro.