Omnibus et au-delà : repenser la finance durable en Europe

par Marine Lecomte - Responsable Offres & Innovations, Services Financiers, Sopra Steria
par Vincent Lefèvre - Tribu réglementaire Directeur Sopra Steria Next
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La Commission européenne a présenté un projet « Omnibus » visant à réviser plusieurs piliers de la réglementation de finance durable (CSRD, taxonomie verte et CS3D) afin de simplifier le cadre sans en amoindrir l’ambition. 
Objectifs clés : réduction du périmètre, allègement des exigences et étalement des calendriers pour limiter la charge administrative des entreprises. 


On vous explique ! 

Périmètre environnemental post-Omnibus : aujourd’hui et à venir 

  • Omnibus : ajustements, pas de révolution 
  • Banques : ce qui continue et ce qui change 
  • Focus sur le GAR : limites et enjeux 
  • Gestion d’actifs : SFDR aujourd’hui et demain 

Leviers pour ancrer l’environnement au cœur du financement 

  • Incertitudes persistantes : GAR et trajectoire des textes européens 
  • Concilier ambition climatique et attractivité économique 

Enjeux environnementaux prioritaires pour les banques, dès maintenant 

  • Proposer des offres attractives pour capter des lignes de crédit 
  • Intégrer les critères environnementaux dans l’évaluation du crédit.  
  • Renforcer la qualité et la comparabilité des données ESG  
  • Etablir des politiques pragmatiques dans le financement de secteurs sensibles  
  • Former massivement les collaborateurs. 

FAQ 

  • Qu'est-ce que la loi omnibus et que simplifie-t-elle ? 
  • Omnibus change-t-il quelque chose en 2025–2026 ? 
  • La CSRD va-t-elle disparaître ? 
  • Quelles sont les conséquences pour des acteurs non-UE sur le marché européen du paquet Omnibus ? 

Trop vite, trop loin : cette formule illustre bien le sentiment dominant autour de la réglementation environnementale en Europe. La multiplication des textes – Taxonomie, CSRD, CS3D – a été accueillie de manière contrastée. Pour répondre aux inquiétudes exprimées, la Commission a décidé en février dernier de revoir ce corpus afin de le simplifier et de le rationaliser. Concrètement, la Directive Omnibus, en cours d’adoption, devrait recentrer les enjeux, réduire le périmètre d’application et étendre les calendriers.

Sur le terrain, les réglementations initiales se sont révélées difficiles à mettre en œuvre, du fait de leur cadence rapide et de leur focalisation sur la définition de concepts, au détriment des approches opérationnelles et de la mise en pratique. Avec Omnibus et la vague de simplification engagée, deux questions se posent désormais : pour le régulateur, comment maintenir les enjeux ESG (Environnement, Social, Gouvernance) au premier plan et inciter les entreprises à agir ? Pour les entreprises, comment transformer cette réglementation plus pragmatique en stratégies réellement efficaces, prenant en compte un impératif long terme ?  

Pour les banques en particulier, ce sujet touche au cœur de leur métier : financer l’économie. Tout investissement implique désormais une prise en compte accrue des impacts environnementaux, très variables selon les secteurs d’activité. Les tensions récentes sur le financement de l’énergie ou de l’armement en sont une illustration : elles soulignent le caractère sensible du sujet. 

 

Après Omnibus, quel est désormais le périmètre réglementaire environnemental à prendre en compte, aujourd’hui et dans les années à venir ? 

Omnibus : ajustements, pas de révolution

Tout d’abord, les règlementations initiales sont toutes confirmées bien que leur périmètre soit revu (par exemple, moins d’entreprises concernées, exigences allégées). L’objectif reste bien de maintenir l’ambition durable de l’Europe tout en réduisant les charges administratives pour les entreprises, en particulier les PME. 

Banques : ce qui continue et ce qui change

Du côté des services financiers, spécifiquement, les banques avaient déjà lancé des initiatives pour se conformer aux nouvelles règlementations, avant Omnibus ; initiatives qui vont majoritairement se poursuivre... ce d’autant plus que les banques sont concernées par des réglementations spécifiques sectorielles qui continuent, elles, de se déployer et ne sont pas (encore) concernées par cet effort de simplification.  

Les textes bâlois, relatifs à la surveillance des risques, ont ainsi été enrichis de nouvelles obligations déclaratives ESG au titre du pilier 3 depuis 2025, sans que ces dernières soient remises en cause. En pratique, 10 nouveaux modèles de surveillance, dont le Green Asset Ratio (GAR) également utilisé par la version initiale de la taxonomie européenne, doivent être produits.  

Focus sur le GAR : limites et enjeux

La surveillance bancaire se poursuit donc bien dans ce domaine, même si les ratios retenus par le régulateur suscitent encore des interrogations. Le Green Asset Ratio présente ainsi plusieurs limites. Sa couverture reste restreinte, car seuls les actifs alignés sur la taxonomie verte de l’UE sont pris en compte, excluant une large part des expositions bancaires. Les méthodologies de calcul, laissées à l’appréciation de chaque établissement, empêchent toute comparaison fiable, tandis que le manque de données robustes – notamment sur les critères Do No Significant Harm – réduit la capacité à qualifier les actifs comme « verts ». Enfin, le ratio demeure faible (moins de 8,15 % en moyenne), sans seuil réglementaire obligatoire, ce qui lui confère surtout une portée indicative et une valeur d’image. 

Gestion d’actifs : SFDR aujourd’hui et demain

De son côté, le domaine de la gestion d’actifs a également vu les exigences ESG se renforcer depuis l’entrée en application de la réglementation SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) en mars 2021. Rappelons que le texte a généralisé un premier niveau de classification des fonds d’investissement selon la prise en compte des enjeux environnementaux dans la stratégie d’investissement. Après 4 ans d’application, des constats sur sa pertinence ont pu être dressés et une refonte de ces obligations a été lancée, avec une nouvelle version que la Commission Européenne a prévu de publier au quatrième trimestre 2025.  En particulier, la Fédération Bancaire de l’Union Européenne (EBF) souhaite une classification plus détaillée des stratégies d’investissement des fonds. Il convient désormais d’attendre quelques mois pour mieux appréhender les conséquences de cette révision pour les établissements financiers. 

 

Dans ce cadre réglementaire toujours exigeant, quels leviers permettront, dans les années à venir, d’ancrer concrètement les enjeux environnementaux au cœur du financement de l’économie ?

Incertitudes persistantes : GAR et trajectoire des textes européens 

Comme vu précédemment, l’évolution du paysage règlementaire demeure difficile à prédire. En effet, les autorités européennes semblent désormais rechercher un équilibre entre rigueur réglementaire et protection de la compétitivité économique. Les textes en révision, tout comme Omnibus, traduisent cette inflexion et cette volonté de passer de la coercition à l’incitation : report de la directive CS3D, allègement de certaines obligations et volonté de privilégier une approche pragmatique. Toutefois, comme détaillé plus haut, certaines mesures, à l’instar du GAR, continuent de susciter des questionnements… peut-être seront-elles aussi revues ? 

Concilier ambition climatique et attractivité économique

Par ailleurs, des divergences politiques commencent à apparaitre entre pays européens, certains d’entre eux prônant une approche plus radicale de la simplification règlementaire. Par exemple, lors du sommet Choose France en mai 2025, Emmanuel Macron, avec le soutien du chancelier allemand Friedrich Merz, a plaidé pour la suppression pure et simple de la CS3D, allant au-delà de son report. Leur argument : réduire plus fortement la densité réglementaire afin de renforcer la compétitivité face aux modèles américain et chinois. 

À l’inverse, les défenseurs de la directive rappellent qu’elle s’applique autant aux entreprises européennes qu’aux acteurs internationaux, en imposant des standards sociaux et environnementaux minimum et donc en protégeant les acteurs locaux, historiquement plus régulés. Pour des sociétés non européennes comme Shein et Temu, présentes massivement sur le marché européen, cela implique de contrôler leurs fournisseurs, renforcer la transparence et gérer les risques ESG. En cas de non-conformité, elles s’exposent à des sanctions financières, des restrictions commerciales et à une perte de confiance des consommateurs.  

Ces débats qui agitent tant les régulateurs que les politiques démontrent qu’une question de fond demeure : comment concilier ambition climatique et règlementations associées avec l’attractivité et la compétitivité économiques ? 

 

En considérant cet équilibre nécessaire entre règlementation et compétitivité, quels sont les enjeux que les banques doivent adresser sur le sujet environnemental, et ce, dès à présent ?

Cinq priorités spécifiques peuvent être mises en lumière sur le sujet :  

Proposer des offres attractives pour capter des lignes de crédit

Il est essentiel pour les banques de concevoir des financements attractifs, pour attirer de nouveaux clients. Sopra Steria, s’est par exemple engagé dans cette voie en indexant en 2022, sa ligne de crédit de 1,1 milliard d’euros sur des objectifs mesurables de réduction d’empreinte carbone. Pour favoriser la durabilité, les emprunts doivent s’appuyer sur des modèles économiques viables. Sans signaux forts et sans mécanismes efficaces de maitrise des risques, les investissements durables resteront évalués comme trop risqués par le secteur financier. La Fédération Bancaire Européenne a ainsi publié en juillet 2025 un rapport proposant des solutions en vue de renforcer l’implication des banques dans le montage de prêts verts. 

Intégrer systématiquement les critères environnementaux dans l’évaluation du crédit.

Au-delà de l’attrait des offres, il est crucial d’inclure l’impact environnemental dans l’évaluation du risque et des conditions de financement. Aujourd’hui, cette prise en compte reste insuffisante, en grande partie à cause du manque d’outils dédiés et standardisés.  

Renforcer la qualité et la comparabilité des données ESG, dont les règlementations ont mis en lumière les faibles pertinence et disponibilité actuelles.

Sans données fiables et comparables, il est difficile de mesurer précisément les risques ESG et d’adapter les conditions de financement en conséquence, limitant ainsi l’efficacité des prêts verts et la capacité des banques à promouvoir la transition durable. Des partenariats émergent avec de nouveaux acteurs de marché, par exemple avec Iceberg Data Lab ou Carbon4Finance, pour disposer d’outils plus robustes. 

Etablir des politiques pragmatiques dans le financement de secteurs sensibles, à l’instar de la Défense, mais désormais essentiels.

En France, le gouvernement promeut la nécessité de préparer une économie de la Défense, qui ne sera possible qu’avec la collaboration des banques dans le financement du secteur. Toutefois, ces dernières ne veulent pas voir impacter négativement leur reporting obligatoire en matière de finance durable. Une collaboration sera indispensable entre banques et régulateurs pour trouver une voie de sortie qui respecte les différentes contraintes économiques et environnementales. 

Former massivement les collaborateurs. 

Les équipes, notamment commerciales, doivent être capables d’accompagner les clients dans leur transition et d’intégrer les critères environnementaux dans leurs décisions, y compris pour les PME, qui ont besoin de soutien dans la structuration et l’obtention du financement dans leurs initiatives ESG. 

En définitive, la refonte des obligations réglementaires en matière environnementale ne constitue en aucun cas un frein à la prise en compte de cette dimension par le secteur bancaire. Au contraire, cette révision, qui adopte une approche plus pragmatique, devrait permettre aux établissements de mieux structurer leurs priorités autour du financement durable de l’économie. Si des incertitudes demeurent sur les évolutions futures, l’orientation générale semble aller vers davantage de réalisme, et dans tous les cas, les banques n’ont d’autre choix que d’intégrer ces enjeux de manière concrète dans leur activité. 

 

FAQ : 

Qu'est-ce que la loi omnibus et que simplifie-t-elle ?

Omnibus est un paquet législatif de l’Union européenne qui ajuste le cadre de la finance durable : il révise plusieurs textes clés (CSRD, taxonomie verte, CS3D) pour réduire le périmètre, alléger certaines exigences et étaler les calendriers, afin de limiter la charge administrative (notamment pour les PME) tout en maintenant l’ambition climatique.  

Omnibus change-t-il quelque chose en 2025–2026 ?

Omnibus privilégie une approche plus incitative et proportionnée, sans toucher aux règles sectorielles propres aux banques. Les exigences du Pilier 3 restent en place : les banques doivent toujours produire 10 modèles de reporting, dont le Green Asset Ratio (GAR) lié à la taxonomie verte. Concrètement, elles continuent de suivre leurs indicateurs ESG et d’améliorer la qualité des données ESG. 

La CSRD va-t-elle disparaître ? 

Omnibus ne supprime pas la CSRD, il vise plutôt un recentrage avec périmètre revu, exigences allégées et calendriers étendus pour rendre le reporting de durabilité plus praticable, tout en conservant l’ambition de la finance durable au niveau de l’UE et en recherchant un meilleur équilibre avec la compétitivité européenne. 

Quelles sont les conséquences pour des acteurs non-UE sur le marché européen du paquet Omnibus ? 

Les exigences s’appliquent aux entreprises européennes comme aux acteurs internationaux : des sociétés non-UE très présentes en Europe (ex. Shein, Temu) doivent contrôler leurs fournisseurs, renforcer la transparence et gérer les risques ESG. En cas de non-conformité, elles s’exposent à des sanctions financières, restrictions commerciales et à une perte de confiance des consommateurs.  

 

Sopra Steria se tient aux côtés des acteurs bancaires pour les accompagner dans la lecture et l’anticipation des réglementations ESG, présentes et à venir. Grâce à notre expertise sur les enjeux de marché et les bonnes pratiques du secteur, nous aidons les établissements à définir des stratégies pertinentes et opérationnelles, afin de financer l’économie de manière durable et efficace tout en restant alignés avec les évolutions réglementaires et les attentes des parties prenantes. 

             
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