AI First : Etude Utilisateur et Perspectives en France

par Marie Rougeaux - Directeur de la User Research, Sopra Steria
par Enzo Melliti - Chef de Projet – Offre et Innovation, Sopra Steria
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Depuis trente ans, les interfaces numériques n’ont cessé d’évoluer pour accompagner les usages. L’ordinateur personnel a introduit l’interface graphique. Le web a ouvert l’accès à l’information, le mobile a bouleversé l’expérience en mettant le toucher au centre de l’expérience. Aujourd’hui, une nouvelle transformation s’amorce : le passage aux interfaces utilisateur « AI First », où l’intelligence artificielle structure l’interaction elle-même.  

Face à cette évolution, nous avons lancé un programme de recherche utilisateur pour analyser comment l’AI First peut transformer l’expérience bancaire. 

1 - Pourquoi l’AI First est une révolution pour l’expérience bancaire ? 

L’AI First marque une nouvelle étape dans l’évolution des interfaces numériques, après le paradigme mobile first, c’est-à-dire la conception d’expériences pensées d’abord pour le smartphone avant d’être adaptées aux autres canaux, qui a fait du smartphone le principal canal bancaire pour plus de 75 % des clients européens (Statista, 2025). 

L’approche AI First transforme le parcours utilisateur et marque l’émergence d’une UX AI-first: au lieu de naviguer dans des menus, l’utilisateur reçoit des réponses immédiates, des recommandations personnalisées et des propositions d’actions proactives. L’interface devient un véritable copilote intelligent, incarnant une AI-powered UX capable d’anticiper les besoins, de simplifier les tâches quotidiennes et de présenter l’information au moment le plus utile : suggestion, alerte, projection financière ou simple validation. 

Pour les banques, cela signifie repenser l’expérience autour de l’intention plutôt que d‘écrans préétablis. L’IA peut prévenir un découvert, optimiser l’épargne ou recommander des arbitrages financiers, transformant la banque d’un outil transactionnel en un assistant financier proactif et engageant.  

Certaines banques européennes, en Espagne ou dans les pays nordiques, ont d’ores et déjà franchi le pas avec des solutions avancées d’automatisation et d’assistance intelligente. 

2 - Méthodologie : comment nous avons étudié les usages des interfaces AI First en Europe 

Afin de comprendre les attentes des utilisateurs face aux interfaces AI First, nous avons lancé une étude européenne, couvrant la France, l’Espagne, la Norvège, l’Allemagne et les Pays-Bas, autour d’une question centrale : « En quoi l’AI First peut-elle améliorer l’usage des services bancaires ? Peut-elle devenir l’interface de référence de demain ? ». L’objectif principal de l’étude consiste à évaluer les usages du numérique, des applications bancaires, et des outils d’IA Générative, et spécifiquement la perception et le ressenti des utilisateurs (différences culturelles, attentes communes) face à une interface bancaire AI First dans le cadre bancaire. 

Cet article est focalisé sur la partie de l’étude réalisée en France, et s’inscrit dans une démarche plus large, ayant pour but d’alimenter les discussions autour des interfaces AI First. 

Pour la France, notre échantillon compte 12 participants (9 hommes et 3 femmes), âgés de 25 à plus de 68 ans, avec une majorité entre 26 et 50 ans (avec une moyenne d’âge située autour de 43 ans). 

Tous les participants ont été recrutés au préalable via un questionnaire de catégorisation permettant de dresser une typologie de répondants. Différents critères ont été contrôlés tels que : le niveau de maitrise du numérique ; le niveau de connaissance des outils d’IA Générative ; ainsi que le niveau d’utilisation des applications bancaires. 

Après analyse, ces 12 participants représentent un segment de la population caractéristique des early-adopters, qui recoupent plusieurs points communs, tels que la pratique mobile-first de la banque, la multi-bancarisation (2 à 4 banques, traditionnelles et néobanques), ainsi qu’un niveau confirmé dans la pratique du numérique et des outils d’IA générative. 

Chaque participant a réalisé une session individuelle d’environ 75 minutes : observation des usages bancaires, entretien semi-directif sur la relation à la banque et à l’IA, puis projection immersive via un prototype vidéo d’interface AI First, d’une durée d’environ 4 minutes, suivie d’une auto-confrontation. 

L’utilisation d’un prototype a permis d’illustrer concrètement auprès du panel à quoi pourrait ressembler un parcours client AI First, notamment avec des anticipations automatiques telles que des projections de dépenses ou des alertes intelligentes, une interface conversationnelle, des suggestions contextualisées et des parcours simplifiés pour les opérations courantes. Il nous a permis de tester la compréhension, l’acceptabilité et la désirabilité de ces nouvelles interactions auprès de potentiels utilisateurs finaux. 

3 - AI First bancaire en France : enseignements clés de notre étude utilisateur 

3.1 - Des profils d’utilisateurs très contrastés face à l’AI First 

L’analyse qualitative des entretiens a fait apparaître de façon assez distincte cinq grandes catégories d’utilisateurs, illustrant la diversité des attentes. 

  • Les IA Natifs pragmatiques (18-30ans) : jeunes et hyperconnectés, ils utilisent déjà quotidiennement des outils d’IA comme les assistants vocaux ou les IA génératives et attendent avant tout de la fluidité, de l’automatisation, une catégorisation intelligente de leurs dépenses et des alertes budgétaires utiles. Leur principal frein reste la sécurité et la transparence des flux financiers. 

  • Les utilisateurs critiques et sobres du numérique (35-50 ans) : à l’inverse, eux se montrent très à l’aise avec le numérique, mais épuisés par la bureaucratie digitale. Ils recherchent des parcours extrêmement simples, rapides et sans friction, tout en se méfiant des systèmes trop automatisés et en conservant un fort besoin de contact humain. 

  • Les utilisateurs multi-bancarisés et vigilants (45-55 ans) : souvent confrontés à des situations de fraude, expriment quant à eux un besoin accru de contrôle, de vision consolidée de leurs comptes et d’alertes intelligentes pour piloter leur trésorerie. 

  • Les seniors très technophiles (60-70ans) : se projettent avec enthousiasme dans des usages patrimoniaux avancés de l’IA, notamment autour de la simulation de scénarios et de l’optimisation financière. 

  • Enfin, les utilisateurs structurés mais non experts en IA (50 ans et +) : attendent surtout du guidage, de la pédagogie, des récapitulatifs clairs et un accompagnement humain dans les premières étapes. 

Ces différences, observées sur un échantillon pourtant restreint, illustrent un point central : l’AI First ne peut pas imposer un seul mode d’interaction, elle doit être paramétrable, progressive, et s’adapter aux préférences des différents profils. 

3.2 - Que pensent les utilisateurs des interfaces AI First ? Résultats de l’étude 

Les entretiens révèlent tout d’abord une tonalité récurrente que nous qualifierons de “enthousiasme prudent” à savoir un sentiment d’enthousiasme et de curiosité face au potentiel de l’IA (gain de temps et de la simplification) mêlé à la lassitude face aux parcours complexes et une méfiance persistante sur la sécurité et les données. 

En résumé, les participants se montrent prêts à adopter l’AI First, mais sans céder le contrôle : ce sont des enthousiastes prudents, ouverts à l’innovation mais exigeants sur la confiance et la maîtrise.  

De plus, notre étude nous permet de confirmer les tendances actuelles de marché à savoir que le smartphone demeure le centre de l’expérience bancaire, et que l’IA est déjà largement utilisée pour la productivité, la rédaction ou certaines tâches financières. Une forte attente existe autour d’une interaction multimodale combinant voix, texte et interface visuelle. En revanche, les chatbots bancaires actuels sont jugés limités et peu efficaces dès que les situations sortent des cas standards.  

Conclusion : Comment les banques doivent se préparer àla révolution AI First ? 

L’AI First marque une nouvelle étape dans l’évolution des interfaces bancaires, après l’interface graphique et le mobile-first. En réorganisant l’expérience autour d’une intelligence proactive, multimodale et contextuelle, ce modèle ouvre la voie à une relation bancaire plus simple, plus pertinente et plus personnalisée. 

L’étude des utilisateurs révèle des attentes claires et pragmatiques. Les chatbots actuels ont abîmé la confiance : une expérience AI First devra prouver sa valeur par une expertise réelle et une capacité d’action. En outre, son interface devra être pensée comme une expérience multimodale, combinant texte, voix et support visuel, et permettre des parcours simples et rapides pour les opérations courantes. 

Les utilisateurs attendent avant tout de l’analyse et de l’accompagnement, pas de l’exécution automatique : projections budgétaires, comparatifs, scénarios « et si… ? » L’IA devient copilote, mais l’utilisateur doit garder le contrôle. La sécurité reste un prérequis. La banque doit rassurer sans fatiguer. 

L’utilisateur veut comprendre pourquoi l’IA recommande une action ; sinon l’automatisation peut apparaître opaque ou intrusive. Le risque algorithmique touche aussi directement à la confiance et au portefeuille. L’AI First doit donc s’inscrire dans le cadre réglementaire européen (RGPD, AI Act), avec supervision humaine et gouvernance des données solides pour garantir explicabilité, sécurité et conformité. 

Ainsi, pour toute banque souhaitant d’ores et déjà saisir cette opportunité autour des nouveaux parcours utilisateurs, les recommandations de design sont claires : 

  • Positionner l’IA comme copilote, jamais pilote automatique. 
  • Combiner interaction multimodale et parcours ultra-simples  
  • Rendre la sécurité visible et fluide en expliquant tout contrôle ou blocage, et en rendant paramétrable le périmètre de l’IA 
  • Valoriser l’analyse et l’aide à la vie financière. 
  • Articuler IA et humain, avec escalade fluide vers un conseiller. 

Pour les banques, l’AI First représente autant une opportunité qu’une responsabilité : transformer l’expérience client sans créer de rupture de confiance. Les acteurs qui réussiront cette transition seront ceux capables d’articuler intelligence artificielle et expertise humaine, efficacité opérationnelle et transparence, automatisation et pédagogie. 

L’AI First constitue ainsi un nouveau cadre relationnel et bien conçue, elle peut devenir un véritable copilote du quotidien financier et un levier majeur de différenciation dans le paysage bancaire. 

Chez Sopra Steria, nous nous intéressons de près à cette tendance structurante, et nous avons mobilisé nos expertises internes, notamment en consulting, en recherche utilisateur (User Research) et en design UX/UI afin d’étudier, imaginer et concevoir comment ces nouveaux parcours AI First s’inscrivent dans les interfaces bancaires des banques européennes.  

FAQ : 

Qu’est-ce qu’une interface AI First ? 

Une interface AI First est une interface conçue dès le départ autour de l’intelligence artificielle. Elle transforme l’application bancaire en accompagnateur intelligent, capable d’afficher immédiatement la bonne information, de projeter des scénarios financiers ou encore d’émettre des alertes utiles au bon moment. 

L’AI First est-elle compatible avec le RGPD ? 

Oui. L’AI First est compatible avec le RGPD, à condition de respecter les exigences de transparence, d’explicabilité et de supervision humaine. Le RGPD et l’AI Act européens encadrent l’usage de l’IA pour garantir la protection des données et limiter les risques algorithmiques. Une stratégie AI First doit donc reposer sur une gouvernance solide de la donnée pour rester conforme. 

Quelles est la différence entre AI enabled et AI first? 

  • Une interface AI enabled utilise l’IA comme une fonction additionnelle ou un outil d’assistance ponctuel. 
  • Une interface AI First, au contraire, fait de l’IA le cœur de l’expérience utilisateur : elle devient proactive, personnalisée, anticipatrice, et réorganise entièrement la manière dont l’utilisateur interagit avec sa banque.  

Quels sont les risques des interfaces AI First ? 

Les principaux risques identifiés sont : 

  • Une perception intrusive ou opaque si les recommandations ne sont pas expliquées ; 
  • Le risque algorithmique, car une mauvaise suggestion touche directement à la situation financière de l’utilisateur ; 
  • Une possible perte de confiance si l’automatisation est mal maîtrisée ; 
  • La nécessité de garantir sécurité, explicabilité et supervision humaine pour éviter erreurs et incompréhensions. 
  • Ces risques justifient un cadre réglementaire strict et une forte transparence. 
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